Un patrimoine au bord de l'abîme

Pour beaucoup, le wallon n'est pas seulement une langue, c'est une institution. L'expression d'un art de vivre à la belge, quelque part entre tradition et dérision, entre particularisme régional et ouverture à l'universalité. Car à l'image de la Belgique, le wallon s'est construit à la croisée des empires, au confluent des courants anglo-saxon et latin. Le terme même de wallon ne renvoit-il pas à celui de Wales, terres de nos cousins Gallois ? Comment ne pas être frappé par la similitude entre certaines expressions wallonnes et anglaises : la tchèyîre wallonne grince des mêmes accents saxons que la chair anglaise, variations finalement fort proches de la chaise française. Tout comme le bêlement des gattes wallonnes emprunte davantage à celui des goats anglophones qu'à celui des chèvres latines.

Et pourtant, malgré une évidente proximité avec les langues de nos voisins nordiques, le wallon demeure un proche cousin du français, se jouant parfois des clivages linguistiques pour composer les expressions parmi les plus savoureuses qui soient. Vous ne savez que répondre à l'injonction Clô t'gueuye ? Ne répondez rien. Combinez simplement le close anglo-saxon à la gueule franco-française et vous aurez une idée tout à fait valable des intentions de votre interlocuteur.

Cet exemple n'est pas choisi au hasard. Il s'inscrit dans la lignée d'un franc-parler typiquement wallon, dont les accents parfois grossiers traduisent avec autrement plus de saveur que n'importe quelle autre langue le sel de la réalité.

Mais ce patrimoine unique, creuset d'une identité wallonne en quête de repères, est aujourd'hui à l'agonie. Le wallon s'éteint progressivement avec les anciennes générations. Là où nos grands-parents et arrières grands-parents alternaient wallon et français avec l'aisance d'un polyglotte, la génération de nos parents et, plus encore, la nôtre, contemplent désormais cette langue de tradition orale comme le reliquat décrépi d'une époque révolue.

Malmenée par le système éducatif et les chantres de l'orthodoxie francophone dès le début du XXème siècle, le wallon s'est peu à peu replié dans une niche culturelle réservée au folklore et à la petite histoire.

Pourtant, le wallon n'est pas encore mort. Partout en Wallonie, de nombreuses initiatives fleurissent pour préserver de l'oubli cette langue atypique. C'est notamment le cas à Namur. Quoi de plus naturel pour la capitale wallonne que d'œuvrer à la sauvegarde du patrimoine qu'elle incarne ?

Nous sommes partis à la rencontre des derniers défenseurs du wallon namurois. Des hommes et des femmes qui, par leur savoir et leur passion, tentent de transmettre leur amour de la langue wallonne aux générations présentes et futures. À travers ce webreportage, nous vous invitons à plonger au cœur du wallon namurois en compagnie de ses plus ardents partisans, qu'ils prêchent au théâtre, à l'école, ou dans la rue…

Nicolas Poës